«L’euro fort et le pétrole cher révèlent les carences de l’économie française»
Un euro à 1,39 dollar, un pétrole à 80 dollars le baril, un emploi en baisse sur le deuxième trimestre 2007... Faut-il craindre pour la croissance française, sur laquelle le gouvernement avait particulièrement misé pour financer son paquet fiscal?
L’horizon semble en effet s’obscurcir avec des prévisions revues à la baisse par les différents instituts de conjoncture. Tous tablent sur une croissance inférieure à 2% (le niveau de 2006), alors que la ministre de l’Economie, Christine Lagarde, maintenait l’objectif de 2 à 2,5% ce mardi. Pire, la Commission européenne a abaissé cette semaine de 2,4 à 1,9% ses prévisions pour la France alors qu’elle ne les a que marginalement rectifiées pour les autres pays de la zone euro (de 2,6 à 2,5%). Alors qu’est-ce qui cloche avec l’Hexagone? Eléments de réponse avec Jean-Christophe Caffet, économiste à Natixis.
Tout d’abord, le lien de cause à effet entre un pétrole cher, un euro fort et une croissance française en berne n’est pas si évident. Certes, un euro plus fort que le dollar pénalise les exportations de tous les produits européens, qui sont plus chers. Mais paradoxalement, il permet pour l’instant de compenser la hausse du prix du baril, puisqu’on achète nos matières premières en dollars. La France n’est donc à priori pas plus concernée que ses voisins de la zone euro. Mais Selon Jean-Christophe Caffet, «ces deux éléments de conjoncture internationale agissent surtout comme un révèlateur des faiblesses de notre économie».
Quelles sont les carences françaises? La France, contrairement à l’Allemagne, ne s'est pas suffisamment spécialisée, d'un point de vue géographique et sectoriel: la présence française dans les pays les plus dynamiques (notamment les émergents) est plutôt faible tandis que nos produits sont eux aussi insuffisamment différenciés, donc davantage concurrencés. Nous subissons donc de plein fouet la concurrence des pays à bas coûts où la gamme de production est similaire à la nôtre et notre commerce extérieur pâtit plus facilement d’une appréciation de l’euro. Le Royaume-Uni, quant à lui, a trouvé la parade en se reposant quasi uniquement sur les services (notamment financiers) qu'il exporte d'ailleurs très bien, même si cela ne compense naturellement pas le déficit de sa balance des biens industriels. Quant à l’Espagne, le pays est davantage tourné vers son économie domestique et son marché immobilier.
Comment expliquer cette situation? «Cela ne date pas d'hier!», remarque Jean-Christophe Caffet. Et de constater que pour parvenir à faire évoluer son industrie et son modèle économique, l’Allemagne a sacrifié son marché intérieur pendant trois ans: «Les salaires n’ont pas ou peu augmenté, à un rythme en tout cas inférieur ou égal à l’inflation si bien que le pouvoir d’achat a stagné, voire baissé. Mais les entreprises, qui ont engrangé des profits, ont pu réinvestir et innover.» Ce qui pèche en France, selon l’économiste, c’est l’innovation. «La part du produit national brut consacrée à la recherche et au développement est pourtant aussi élevée qu’en Allemagne. Mais 2/3 sont assumés par l’Etat et 1/3 par le secteur privé. C’est l’inverse outre-Rhin, ce qui donne une recherche plus en phase avec les besoins industriels, donc davantage de débouchés en terme de produits différenciés, innovants.»
Comment y remédier? «En modifiant l’offre, pas la demande», répond l’expert. «Mais modifier l’offre repose sur du long terme, car il s’agit de modifier le tissu productif français en favorisant la recherche dans le secteur privé par exemple. Cela ne sert à rien de favoriser le pouvoir d’achat, avec le paquet fiscal notamment, si c’est pour qu’il "fuite" dans des produits importés, qui représentent plus de 30% de la demande intérieure.» Et de conclure : «La croissance de demain, c’est l’investissement d’aujourd’hui.»
Catherine Fournier
20Minutes.fr, éditions du 13/09/2007 - 16h45 dernière mise à jour : 13/09/2007 - 17h51
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