La pudeur et l'isolement rendent très difficiles la lutte contre la misère en milieu rural, ont relevé les participants au 31e congrès du Secours populaire français (SPF) réunis de vendredi à dimanche à Brive-la-Gaillarde (Corrèze).
Le paravent de l'anonymat qui protège les populations en difficulté dans les villes tombe dans les campagnes. Le président de la fédération de la Haute-Vienne du SPF, Thierry Mazabraud, note que "nous sommes dans un contexte difficile de pudeur".
"Il faut, indique-t-il, éviter de stigmatiser les précaires". "Ils sont souvent sans la moindre mobilité", ce qui rend paradoxalement "difficile de les trouver et d'aller à leur rencontre", a déclaré M. Mazabraud "Les municipalités ne souhaitent pas qu'on sache que la misère sévit aussi chez elles", a-t-il précisé.
Le président du SPF, Julien Lauprêtre, avait souligné vendredi "la faiblesse des connaissances sur cette pauvreté en milieu rural". Les bénévoles de terrain ont toutefois noté certaines constantes du fléau.
L'arrivée des "néo-ruraux" est un indicateur. Ces dernières années, "trois ménages sur quatre arrivés dans les campagnes avaient des revenus inférieurs ouvrant droit à un logement HLM", selon le SPF. "On peut dire qu'ils sont presque deux fois plus pauvres que la moyenne", selon M. Lauprêtre.
"Leur imaginaire de la ruralité s'effondre brutalement", déclare M. Mazabraud. "Mal acceptés par les autochtones, ils découvrent le manque de lien social, un habitat vétuste, avec des problèmes d'isolation et de chauffage. Cette situation est souvent sanctionnée par une séparation, puis le repli sur soi. L'issue quasi-fatale, c'est la dépression, l'alcoolisme", décrit-il.
"Si on ajoute le renforcement du recul des services publics dans les campagnes, on s'aperçoit que les plus fragiles sont les plus touchés. Le manque de médecins ruraux prend tout son sens quand il faut effectuer de 15 à 30 km pour une consultation et qu'on n'a pas de voiture", explique M. Mazabraud.
Selon lui, les populations indigènes, "installées depuis toujours dans la misère", sont encore plus "résignées". "Pas question de laisser la voiture siglée des services sociaux faire halte devant la maison. Ce serait un aveu d'assistanat, une forme de honte", décrit un délégué.
Preuve que, comme l'a souligné M. Lauprêtre, "il n'est pas satisfaisant de transposer sans précaution les solutions du milieu urbain dans l'espace rural".
"Faute de transports publics, beaucoup de bénéficiaires potentiels ne peuvent, par exemple, se rendre à des séances d'insertion. Il en va de même pour chercher du travail, une formation ou tout simplement accompagner les enfants au sport", selon M. Mazabraud.
Selon lui, la solidarité en milieu rural passe par "des collaborations entre les mondes associatif et institutionnel".
Elle nécessite "la collaboration d'intermédiaires de proximité de confiance". "L'école, selon lui, constitue un lieu de repérage des difficultés sociales des familles, tout comme les aides ménagères ou les infirmières à domicile".
Un cahier de doléances "Le dire pour agir" proposé à Brive par le président du SPF devrait aider l'ONG à "dresser le bilan réel des situations pour ensuite les faire connaître aux pouvoirs publics et à l'opinion" et "contribuer à faire reculer ce fléau grandissant".
© 2007 AFP
20Minutes.fr avec AFP, éditions du 24/11/2007 - 12h32
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