On va pas se gêner !
SI l'on devient gros et malade, ce n'est pas la faute à la malbouffe, ce sont nos gènes qui ne tiennent pas la route : la « nutrigénomique » est la dernière trouvaille de l'agroalimentaire pour éviter de porter le chapeau de l'« épidémie » d'obésité et des sympathiques maladies qui suivent (diabète sucré, hypertension...). En clair, vous pouvez vous goinfrer de barres chocolatées et de pizzas industrielles, rien ne vous arrivera de fâcheux si vous possédez les « bons » gènes.
Il y a quinze jours, le concept importé des Etats-Unis était présenté aux journalistes lors d'un petit déjeuner chez Ladurée, un salon de thé chic, avec autour de la table deux chercheurs de l'Inserm conviés par l'Institut français de la nutrition - ce « faux nez » monté par presque tous les industriels de l'agroalimentaire, de Coca-Cola à la Fédération nationale des industries de corps gras. Avec au menu des questions du type : peut-on prendre en compte le profil ADN de chacun pour une prévention nutritionnelle plus adaptée ? Sous-entendu, comment tordre le cou une fois pour toutes aux politiques de santé publique qui nous incitent à manger moins gras, moins salé, moins sucré ? Pour nous bourrer le mou, l'agroalimentaire sponsorise la recherche sur le sujet et a même convaincu Bruxelles de mettre sur la table 14,5 millions d'euros.
Sauf que tout ça, c'est du flan. Comme le dit un chercheur, qui réclame l'anonymat pour conserver ses contrats avec l'agroalimentaire, « manqer en fonction de ses gènes, c'est de la science-fiction. Aujourd'hui, la seule façon efficace de rester en bonne santé est de suivre les recommandations nutritionnelles ».
Dommage, on aurait aimé la pub : vous êtes génétiquement programmé pour la quiche industrielle et le ravioli en boîte.
« Le Canard Enchaîné » mercredi 6 juin 2007
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